Le 23 janvier 2020
Les onze Français condamnés à mort en Irak en mai et juin 2019 subissent depuis leur condamnation des tortures, des sévices, des maltraitances physiques et psychiques dans la prison Al Rosafa à Bagdad. Dans un courrier parvenu à leurs familles, des prisonniers parlent de « tortures et d’humiliations », de « menaces incessantes » de la part de certains gardiens. Les prisonniers sont prévenus par les miliciens qui les gardent qu’ils seront bientôt exécutés, dans cette prison ou après un transfert dans la prison de Nassiriyah, dans le sud de l’Irak. D’après nos informations, tous les prisonniers ont été sévèrement battus lors de leur transfert de la prison Al-Muthana vers la prison Al Rosafa, en septembre dernier, et certains prisonniers font l’objet de passages à tabac et de sévices réguliers. Certains présenteraient d’ores et déjà des séquelles physiques et psychiques graves. Les Français prisonniers sont incarcérés dans des cellules où se côtoient 60 à 70 détenus, prisonniers de droit commun, combattants de Daesh ou personnes suspectées d’avoir appartenu à l’organisation et détenus chiites : il est à craindre que placer ainsi dans un même endroit exigu des personnes qui se haïssent n’ait pas d’autre but que d’espérer qu’ils s’entre-tuent. Les détenus français, considérés comme des renégats par des adeptes de Daesh et comme des terroristes sunnites par les chiites, risquent leur vie à tout moment.
Ces prisonniers français ont déjà été torturés lors de l’instruction de leur procès, de février à mai 2019, suite à leur transfert de Syrie en Irak organisé par les autorités françaises.
Lors d’une visite du président irakien Barham Saleh à Paris, le 25 février 2019, ce dernier a évoqué le « partenariat exemplaire » entre la France et l’Irak. A cette occasion, le Président Macron avait précisé que si des ressortissants français étaient jugés en Irak, ceux-ci « seraient en droit de demander la protection consulaire. » Il précisait que « nous nous assurerons que s’ils sont condamnés à la peine de mort, celle-ci soit commuée dans une peine à la perpétuité. »
Si des visites consulaires ont effectivement eu lieu en juin et juillet 2019, lors du séjour des détenus dans la prison Al Muthana, avec y compris durant cette période des possibilités de contact avec leurs familles, il n’y a plus eu de visite consulaire entre le 28 juillet et le 17 décembre 2019. Lors de la visite consulaire du 17 décembre, le représentant du consul de France à Bagdad a dit aux prisonniers qu’il ne pouvait « rien faire pour eux ».
La dernière communication téléphonique des prisonniers avec leurs familles date du 1er septembre. Les comptes rendus de la dernière visite consulaire du 17 décembre faits aux familles par le Ministère des Affaires étrangères ont été d’une brièveté accablante : rien n’a été communiqué sur leur état de santé, leurs conditions de détention, les procédures d’appel suite à leur condamnation à mort, – malgré le fait que le représentant du consul se soit entretenu avec chaque détenu, et que M. Le Drian se soit rendu en octobre à Bagdad. Aucune famille n’a pu obtenir de visa pour l’Irak pour rendre visite aux détenus.
La France s’honore d’être un pays abolitionniste qui condamne toute forme de torture et de mauvais traitements infligés à des prisonniers, quels que soient les crimes dont on les accuse. Malgré cela, les autorités françaises ont organisé le transfert de ressortissants français vers un pays qui applique la peine de mort, et dont la pratique de la torture en prison, y compris sur des enfants, est largement documentée par les organisations humanitaires internationales.
Le Collectif des Familles Unies demande au gouvernement d’intervenir pour faire cesser toute forme de traitements inhumains et dégradants infligés aux prisonniers et pour que les peines de mort soient effectivement commués, selon l’assurance du Président de la République exprimée en février 2019. Il demande également qu’une protection consulaire effective soit exercée, ce qui n’est pas le cas actuellement. À l’instar de la représentante spéciale de l’ONU sur les exécutions extrajudiciaires, nous demandons également le transfèrement de ces prisonniers en France pour qu’ils puissent faire face à un procès équitable.
Ce qui se passe actuellement avec les détenus français de Daesh en Irak, mais aussi en Syrie, n’a rien à voir avec la justice, et s’apparente plutôt à la vengeance et à l’extermination. Les mises à mort, les tortures et les mauvais traitements ont été ainsi délégués, comme notre justice, à un État tiers. Un État de droit qui accepte ainsi d’utiliser les méthodes de l’adversaire et renie ses principes ne fait que renforcer l’idéologie qu’il prétend combattre.Le 23 janvier 2020