Paris le 23 mars 2020
Les autorités françaises maintiennent 300 enfants dans les camps syriens de Roj et de Al Hol depuis des mois et pour certains des années. En refusant de rapatrier ces enfants, dont 17 d’entre eux seulement ont été ramenés en France en mars et juin 2019, notre pays les condamne à l’exil, à une détention arbitraire et illégale, et à des conditions de vie effroyables. Malgré les appels de multiples instances internationales et nationales défendant les droits humains et les droits de l’enfant, la France s’enferre dans une politique absurde et inhumaine en sacrifiant ces enfants.
L’actuelle épidémie de coronavirus, qui dévaste le monde entier, frappe tous les pays proches de la Syrie. Officiellement, le régime de Damas prétend qu’il n’y a qu’un seul cas dépisté en Syrie, mais personne n’est dupe et aucun crédit ne peut être porté à ces déclarations. La Syrie entière, et en particulier la région d’Idlib et le Rojava (qui souffre de l’embargo de la Turquie, du régime de Damas et des Nations Unies) risque de payer le prix fort en cas de propagation du virus. L’Administration autonome kurde, en charge des camps de Roj et de Al Hol, vient de prendre toute une série de mesures pour tenter de contrecarrer l’épidémie : fermeture des écoles, fermeture du poste frontière de Semalka (avec l’Irak), confinement des personnes présentant des symptômes suspects, restrictions de circulation. Mais le système de santé dans le nord-est de la Syrie pourra difficilement lutter efficacement contre la pandémie quand celle-ci touchera le Rojava : il n’existe aucun test de dépistage, les hôpitaux sont sous-équipés, le départ des ONG a isolé un peu plus cette région meurtrie, et le manque de personnel soignant est prégnant depuis des mois.
Dans ce contexte, la situation des personnes incarcérées dans des prisons-mouroirs insalubres et surpeuplées et dans les camps, en particulier la situation des 300 enfants français prisonniers avec leurs mères, risque de devenir rapidement dramatique en cas de propagation du virus. Il semble que le virus ne s’attaque pas ou peu aux enfants, qui sont néanmoins susceptibles de le propager. Mais les enfants détenus dans ces camps sont des enfants affaiblis, dénutris, carencés, souvent malades. En dehors de toute épidémie, 371 enfants sont décédés dans le seul camp de Al Hol en 2019. Ces enfants sont donc exposés, ainsi que leurs mères, à contracter le Covid-19 et toutes formes de maladies les plus graves.
Les camps de déplacés et de prisonniers en Syrie connaissent déjà depuis des mois un désastre sanitaire qui n’a fait que s’accentuer. Dans le désert médical syrien, les camps, disposant d’antennes médicales très largement insuffisantes, risquent de connaître une hécatombe : les enfants des camps, et les 300 enfants français que notre pays maintient dans ces camps, sont d’ores et déjà en danger face à l’évolution de la maladie.L’administration kurde prévoit de placer le camp de Al Hol en quarantaine, et s’inquiète de la situation sanitaire de ce camp, où de multiples autres maladies, notamment la tuberculose, font déjà des ravages. D’ores et déjà, les incertitudes concernant les commerces opérant dans les camps et la distribution de nourriture, les problèmes d’alimentation en eau, mettent toute une population, et surtout les enfants – privés de soins et d’hygiène, manquant de nourriture – dans un état d’extrême vulnérabilité face à un mal qui peut frapper à tout moment.
La solidarité nationale et internationale pour lutter contre la pandémie bat son plein. La France déploie justement tous les moyens pour aider les Français bloqués à l’étranger, et pour rapatrier ceux qui le demandent. Les seuls français exclus de toute solidarité, les seuls français qui semblent ne devoir bénéficier d’aucune sorte d’aide, sont les français prisonniers au Levant, et en particulier 300 enfants qui survivent dans les camps syriens. Ces enfants sont innocents, ils n’ont pas choisi de partir en Syrie ou en Irak, ni d’y naître. Ils souffrent et meurent pourtant depuis des mois et des années en attendant en vain de pouvoir rentrer dans leur pays.
Le Collectif des Familles Unies réclame depuis des années le rapatriement de tous les enfants français prisonniers en Syrie et de leurs parents. Ces enfants sont à présent pris au piège d’un pays en guerre qui risque de souffrir durement de l’épidémie en cours. La solidarité nationale ne peut pas exclure ces enfants, elle ne peut pas les laisser mourir dans ces conditions sans leur venir en aide, comme tous les français isolés, malades et souffrants. Face à une telle pandémie, les autorités françaises, qui auraient pu depuis des mois rapatrier ces enfants, sont et seront responsables de leur sort.
Le 23 mars 2020.