La garde à vue de six oncles, tantes et grands-parents français d’enfants français détenus dans les camps syriens a été prolongée. Ceux-là ont donc dormi dans des cellules de quelques mètres carrés après avoir été interpellés à l’aube et menottés devant leurs autres enfants. Leurs appartements ont été perquisitionnés, leurs téléphones portables et ordinateurs saisis.
Ce qui leur est reproché ? D’avoir envoyé de l’argent à leurs neveux, leurs nièces et leurs petits-enfants détenus depuis des mois pour certains, des années pour d’autres, dans ces camps insalubres en Syrie, où règne plus grande détresse.
Sans l’aide matérielle de leurs familles, ces 200 enfants ne peuvent pourtant survivre dans ces lieux où l’aide humanitaire et l’accès aux soins sont presque complètement inexistants. Sans que cela n’émeuve jamais les autorités françaises, plus de 300 enfants ont déjà péri en 2019 dans le seul camp d’Al-Hol, de malnutrition, de froid ou de maladie.
Voilà deux années au moins que les autorités judiciaires, magistrats du parquet antiterroristes et juges antiterroristes, savent de façon incontestable que les familles envoient de l’argent à destination de leurs enfants prisonniers. Ces familles, régulièrement convoquées par les services de renseignement et par la police judiciaire, transmettent chaque fois toutes les informations dont elles disposent sur ces camps et sur ce qui s’y passe, et mettent un point d’honneur à répondre avec autant de précision que possible aux questions des enquêteurs. Toutes font montre de la plus grande transparence auprès des représentants d’un État qui, pourtant, s’obstine à refuser le rapatriement de leurs enfants innocents.
Jusqu’à ces derniers mois, chaque famille pouvait adresser de l’argent à destination des camps via Western Union ou Moneygram, en faisant transiter ces sommes par la Turquie. Mais au fil du temps, les familles ont été « bloquées » par ces mêmes agences qui, désormais, leur refusent toute opération de transfert. Le Parquet National Antiterroriste (PNAT) a officiellement été avisé, cet été, de cette difficulté majeure, lequel parquet est parfaitement conscient que les enfants concernés ne peuvent survivre dans ces camps sans la moindre aide matérielle et financière. Toutes ces familles ou presque ont donc eu recours au seul et unique moyen à leur disposition : la cryptomonnaie.
C’est pour cette seule et unique raison qu’elles ont été interpellées, placées en garde à vue, menottées devant leurs proches, et que leurs appartements ont été perquisitionnés. De fait, la France refuse donc de rapatrier des enfants exposés à un risque grandissant
de mort, la Justice en venant à traiter leurs familles comme des criminels au seul prétexte qu’elles se refusent à les laisser mourir.
L’article 122-7 du Code pénal consacrant l’état de nécessité comme cause d’exonération de responsabilité pénale, il est impérieux que les familles des enfants détenus dans ces camps en bénéficient. Quel État pourrait demander à des grands-parents de devenir complices de la mort de leurs petits-enfants ? Comment pourrait-on qualifier un tel État ? Et qui peut exiger d’oncles et de tantes de renoncer à porter secours à leurs neveux et nièces en proie à la faim et à la maladie ?
La France fait donc le choix de laisser mourir des enfants en zone de guerre dans des prisons à ciel ouvert, à l’instar de la justice française qui décide de criminaliser ces familles pour avoir seulement tenté d’assurer leur survie. Or ces familles ne sauraient être tenues responsables du seul moyen mis à leur disposition pour leur porter secours : elles sont aussi innocentes que leurs enfants qu’elles essayent d’arracher au pire.
Marie Dosé –Avocat à la Cour – 30 septembre 2020 –
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