Communiqué de presse du 13 janvier 2021
Les autorités françaises ont rapatrié aujourd’hui sept enfants français du camp de prisonniers Roj, administré par les forces kurdes, dans le nord-est de la Syrie. Le Collectif des Familles Unies se félicite du retour de ces enfants, qui vont pouvoir enfin retrouver le chemin d’une vie d’enfant.
Si l’on peut se réjouir du fait que ces sept enfants échappent enfin à l’enfer des camps, après des années de détention, cette opération laisse un goût amer, même si elle prouve encore une fois que la France a la capacité de rapatrier qui elle veut, quand elle veut.
D’abord, c’est toujours la politique du « cas par cas », et donc du goutte à goutte, qui s’applique avec ce rapatriement qui intervient six mois après le précédent : la grande majorité des enfants, environ 200 enfants français, restent dans les camps, affrontent un nouvel hiver syrien et entament une nouvelle année de captivité sans école, sans protection, sans droits, dans des conditions que le Défenseur des Droits a qualifiées d’inhumaines et dégradantes.
Cette « politique » du « cas par cas » ne permet pas de résoudre le problème global des enfants français détenus dans les camps de prisonniers en Syrie. Au contraire, elle les maintient année après année dans des conditions indignes, prisonniers innocents sans perspective dans ce nouveau Guantanamo. Elle consiste à « sauver » quelques enfants de temps à autre et de laisser tous les autres souffrir et périr dans les camps. Elle est injuste et discriminatoire pour les enfants : le CNCDH vient d’ailleurs de redemander au gouvernement d’abandonner cette politique.
Ensuite, des enfants rapatriés sont rapatriés sans leurs mères. Ces dernières, épuisées, ne voyant plus aucune issue à cette crise interminable, ont accepté de se séparer de leurs enfants tout en restant elles-mêmes dans les camps, sans aucune perspective de retour. Attendre que chaque mère « craque » une par une pour rapatrier les enfants ne constitue pas une politique de protection des enfants, et ne permet pas de rapatrier tous les enfants. C’est même le contraire : ajouter aux traumatismes subis par ces enfants une séparation brutale et indéfinie avec leurs mères est non seulement d’une cruauté sans nom, mais en contradiction avec l’intérêt supérieur de ces enfants. Un pays comme la Finlande l’a bien compris, qui a rapatrié récemment des enfants finlandais avec leurs mères : le Ministère des Affaires étrangères de Finlande a indiqué qu’il ne pouvait que rapatrier les enfants avec leurs mères, pour respecter l’intérêt supérieur des enfants, qui doit être la préoccupation principale. L’Allemagne a également rapatrié le mois dernier des enfants avec leur mère.
C’est la voie dans laquelle nous espérons que la France va enfin s’engager : reconnaître qu’il est intolérable que des enfants français soient détenus dans des camps de prisonniers d’un pays en guerre, admettre, comme l’a affirmé le Comité des droits de l’enfant de l’ONU récemment, qu’elle a la responsabilité de la protection de tous ces enfants, respecter enfin la Convention Internationale des Droits de l’enfant, en considérant que l’intérêt supérieur de l’enfant doit être la préoccupation prioritaire. Les mères de ces enfants ne sont judiciarisées qu’en France, et il n’existe aucune perspective de procès reconnu et équitable sur place. La situation dans la région est toujours aussi instable. La prise en compte de l’intérêt et de la protection des enfants, comme les impératifs sécuritaires, impliquent que les ressortissants français adultes soient rapatriés et jugés en France. Il faut rapatrier TOUS les enfants, et rapatrier leurs mères avec eux.
Cette opération de rapatriement laisse encore une fois sur place l’immense majorité des enfants, qui souffrent et attendent le retour, mais aussi des femmes malades, atteintes de pathologies très graves. Il faut que la France se décide enfin à résoudre ce problème qui perdure depuis maintenant des années, et qui ne se résoudra pas par cette politique du goutte à goutte : il faut mettre fin à l’infamie de l’incarcération de TOUS ces enfants innocents, une bonne fois pour toutes, conformément aux impératifs de sécurité, et en respectant l’État de droit, les droits humains, les droits de l’enfant.
Collectif des Familles Unies